lundi 14 décembre 2015

La phrase (pénible) du jour

"Parmi les 589 romans de la rentrée 2015, 49 ont émergé. " (Livres Hebdo)

Avant de nous pencher sur le sens à donner au terme "émergé", lisons plus avant dans cet article qui fait le point sur la rentrée littéraire:

"Si les auteurs sont souvent désireux et flattés de participer à la rentrée littéraire, ce moment de mise en lumière de la production peut se révéler sacrificiel. Car pour beaucoup de parutions, il y a peu d’élus. Parmi les quelque 600 romans répertoriés par Livres Hebdo à chaque rentrée, combien émergent ? Si l’on se fonde sur une analyse des meilleures ventes annuelles, c’est l’hécatombe."
Bon, déjà, les auteurs sont-ils vraiment "désireux" et "flattés" de participer à ce qui, tout le monde le sait, est une grosse bousculade (du moins pour certains éditeurs)? S'ils sont insensibles au "désir" et à la "flatterie", ces auteurs peuvent toujours sortir… en janvier ! Mais là aussi, c'est la cavalcade. Et côté prix littéraires, il y en a autant, même si bien sûr ils sont moins prestigieux (mais du coup, hein, plus abordables). Ensuite, de quelle "mise en lumière" parle-t-on? Eh bien pour être franc, il vaut mieux savoir que le projo en question (et donc la question du projo) se règle dès le mois de juin et que ledit projo ne se focalisera que sur une dizaine d'écrivains, comme par hasard ceux qu'on suppose taillés pour l'équarrissage des grands prix d'automne. Est-ce à dire que les 560 romans restants, ceux qui ne peuvent prétendre au jackpot, devraient sortir ailleurs qu'en rentrée ? En novembre par exemple? Euh non, là c'est plus pour les beaux livres qui commencent à arriver… En mars? Euh non, là c'est plus pour les livres dont on espère qu'ils passeront l'été… En juillet? Le 32 février?

En quoi pourrait donc consister cette fameuse "mise en lumière" si ce n'est celle des prix? Des articles dans la presse, peut-être? Hum. Cette année, on a pu constater que ça n'allait pas de soi. Les papiers sont allés en grande majorité et en grosse priorité aux livres figurant sur des listes. Pour les autres, presque rien, voire rien du tout, ou en tout cas pas assez au regard de la qualité de certains (ex. le magnifique Cordelia de Marie Cosnay…) Ajoutez à cela qu'on ne constate souvent aucune retombée sur les ventes après un article survenant trois mois après la sortie… 

Bref, la situation semble peu reluisante, du moins si on attend quoi que ce soit de la sortie d'un livre à court terme. Car que peut-il se passer, de toute façon, dès lors qu'on ne s'astique par la plume autour d'un prix à poule ou d'un lavage en machine chez Busnel-Bonux? La vraie question, en fait, est peut-être celle-ci: un livre n'est pas un événement qui crée d'autres événements. Il s'avance, il s'éloigne; ce n'est pas une pierre qui roule, et peu lui chaut la mousse. Il est un coup d'épée dans l'eau, et comme tel n'est pas abonné aux remous. Pour jouer les pierres avides de cercles concentriques, il faut avoir l'élégance d'un bon gros rocher taillé à la dynamite. No patapouf, no plouf, pigé?

Les écrivains ne devraient peut-être rien attendre de la sortie de leur livre. Ni désireux, ni flattés, telle devrait être leur devise. Et sans doute est-ce la devise de pas mal d'entre eux, du moins l'espère-t-on. A quand un article dans Livres-Hebdo sur ces "auteurs qui bossent dans leur coin et se fichent des lauriers"?

4 commentaires:

  1. Ya les lauriers, et puis il y a les lecteurs. Un auteur pas désireux d'être lu, franchement...

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  2. "émergé": parfois, j'émerge au matin, et il est 14 h 30...
    Livres-Hebdo, ils sont meilleurs quand ils nous proposent des recettes de cuisines, sinon.

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  3. Et l'argent...basiquement...juste pour vivre...

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  4. Je crois que non seulement les écrivains ne devraient rien attendre de la sortie de leur livre, mais puisque la seule et vraie jouissance, c'est de l'avoir écrit, ils devraient peut-être même s'en ficher comme de l'an quarante qu'il sorte ou pas: "Le futur de mes livres ou des livres d’autrui est le cadet de mes soucis…Un véritable écrivain est quelqu’un qui tend l’arc à fond tandis qu’il écrit et qui le suspend ensuite à un clou pour aller boire un verre avec ses amis. La flèche est bien en route dans l’air, et se plantera ou non dans la cible; seuls les imbéciles pourront prétendre modifier sa trajectoire ou courir après elle…"
    (Cortazar) J'ai d'ailleurs convoqué le grand Julio parce que je sais que lui, on respectera ce qu'il dit, ce qu'on aurait - si j'en avais été, moi, l'auteur - pris pour de grosses conneries...

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