mercredi 20 octobre 2010

Les Prix Littéraires: En débattre/découdre, jeudi 21 octobre 10H à Beaubourg

LITTÉRATURE : LA SAISON DES PRIX
CONFÉRENCES - DÉBATS - RENCONTRES


21 octobre 2010
19h00
Centre Georges-Pompidou, BPI, Petite salle: niveau -1
(entrée libre)



"Chaque rentrée voit le même mélange de curiosité et d'agacement devant ce phénomène qualifié de « très français », ces polémiques invariables, ces enthousiasmes et détestations tôt retombés. La vie littéraire française a acquis un caractère saisonnier qui a pour incontestable conséquence que, de septembre à novembre, on parle de littérature. Avant de passer à autre chose, diront ceux qu'irrite le petit tour de piste médiatique de certains livres, qu'on oubliera aussitôt. Pour beaucoup, ce coup de projecteur, malgré ses limites, est un moyen d'attirer l'attention des lecteurs sur l'abondance et la diversité de la littérature française. Le phénomène massif est bien l'arrivée sur le marché d'un nombre sans cesse croissant de romans. Symptôme de surproduction ou signe de vitalité, cette profusion impose un besoin de repérage que les prix assurent, chacun à sa façon, quitte à devenir eux-mêmes objets médiatiques et lieux de polémiques. Le fonctionnement, l'existence des prix et les questions sur d'autres pratiques de consécration vont amplifier « l'effet rentrée littéraire » automnal. On en oublierait presque que des œuvres existent, et des auteurs. Trois d'entre eux, dont les romans figurent dans les sélections 2010, sont invités à parler de la façon dont ils vivent ce moment, et surtout de leur travail et de leurs textes dont des extraits seront lus.
Au-delà des lieux communs, cette soirée, qui réunit chercheurs, professionnels et écrivains, permettra ainsi de prendre la mesure et les limites d'un phénomène social et culturel original, de s'interroger sur sa place dans la vie culturelle et ses possibles évolutions."

19h: Conférence: Faut-il brûler les prix littéraires ?
par Sylvie Ducas, maître de conférences en littérature française, responsable du master Métiers du livre, université Paris Ouest Nanterre La Défense
Malgré les polémiques, comment les prix littéraires se sont-ils imposés, à l'heure de l'essor des industries culturelles, comme système de repérage et de consécration? Quel sera leur avenir face à la révolution d'Internet ?

19h45: présentation de la rentrée littéraire 2010
par Alain Nicolas, critique, responsable des pages littéraires de l'Humanité

20h: Les fruits de l'automne : la saison littéraire et ses prix. Doit-on, et peut-on changer de modèle?
Avec : Eva Bettan, journaliste, critique, responsable du Prix du Livre Inter,
Marie-Rose Guarnieri, libraire, fondatrice du prix Wepler-fondation La poste,
Bertrand Py, directeur éditorial, Actes Sud.

Animé par Alain Nicolas

21h15: Rencontre avec les écrivains
Maylis de Kerangal
Olivia Rosenthal
Claro

(Lectures des textes littéraires par les auteurs et François Raison, comédien)

mardi 19 octobre 2010

Le cul et son entretien


Le cul est le cul est le cul, pénétra-t-il la substance du monde dont rien ne laissait paraître qu’elle fût à ce point divisiée en son milieu afin que toutes sortes d’objets puissent y trouver une place de choix. Comme tout fondement, qu’il soit métaphysique, modestement physique, ou ostensiblement pornographique, la base où asseoir ces nouvelles certitudes reposait pour lors sur la place centrale du vaste canapé de cuir rouge, lequel trônait à la façon d’un missile dans un coin de la salle d’attente. Elle ne va pas tarder à vous recevoir, avait lipstiqué la voix de la standardiste, et vous pourrez alors entrer dans le saint des saints, cette dernière expression délivrée comme s’il s’agissait une formule étrangère, nécessitant un accent différent. Il consulta le cadran galbé de sa montre et vit l’aiguille des minutes se roidir à l’instant de fendre le zéro pourtant introuvable sur n’importe quel cadran horloger. Derrière lui, à son insu, en plein mur, un hublot laissait couler à la verticale de sa paroi extérieure une unique goutte de pluie brûlante qu’il aurait volontiers léché s’il avait su voler, chose inconcevable pour lors.

Dans son cerveau passé en mode veille, diverses tâches en souffrance émettaient une très faible luminosité. Entre un agenda renouvelé automatiquement par la time machine de son ordinateur interne et un book de pics directement téléchargés d’un serveur nippon spécialisé dans la pixellisation des vulves européennes, magnifiquement posé sur la table du souvenir tel un cendrier rond en ivoire dont la légère dépression situé en périphérie semble attendre la belle et bonne et consumable volonté de la cigarette, un cul emblématique dont il avait oublié et le pédigree et l’indice de résistance lui servait de satellite, point trop gibbeux et suffisamment marmoréen pour qu’il puisse, à volonté, ou dans l’inconscience de la détente, y glisser soit un doigt n’ayant servi à rien d’autre qu’à un défilement d’écran tactile, soit un stylet en caoutchouc conçu dans des buts qu’il était inutile de définir avant usage.

Ce cul était pour lui une sorte de disque vierge sur lequel graver, en fonction des désirs itinérants dont il acceptait d’être la provisoire station d’accueil, ce qu’autrefois les hommes appelaient des fantasmes, mais qu’on désignait aujourd’hui par d’autres termes, moins délicats en bouche, mais un tantinet plus précis. Jamais la sexualité n’avait atteint un tel pinacle de technicité, et même une sodomie bâclée n’avait plus rien à voir avec l’antique coordination opercule-boutoir dont s’enorgueuillsaient à torts les techno-bougres du passé.

Il profita donc du bref d’attente qu’on lui imposait pour éjaculer à loisir dans le cul ergonomique qu’il avait pris soin de soumettre à divers filtres, et eus la surprise, à défaut de la joie réelle et cadencée, de découvrir, niché si l’on peut dire au cœur de l’anus virtuel, un élément que sa sagacité analysa presque aussitôt et qu’il décida dans un premier temps de qualifier de promesse.

On vint alors le chercher, et il entra doucement dans la moiteur du bureau ovale par une porte étroite qui chuinta légèrement à son approche. L’entretien fut aisé, soumis à un va et vient de bon aloi, et s’acheva par une sorte de soupir mental, signe d’une satisfaction répartie à proportions égales entre les protagonistes de l’entente.

Ce n’est qu’en rentrant chez lui, dans l’immonde poubelle gluante où s’amoncellaient factures souillées de foutre et traites maculées de vestiges excrémentiels, entre deux hoquet bilieux, alors que les bulldozers s’obstinaient à raser l’arrière du bâtiment où, illégalement, il crevait lentement, le corps recouvert d’un eczéma plus que douteux, qu’il sentit monter en lui la fleur de la promesse entrevue dans le cul mémoriel.

La promesse était si pure, si affranchie du contexte culier, qu’il douta un instant de sa réalité. Mais à mesure que ses synapses saturés de benzodiazépine dépliaient ce curieux origami, il ne pouvait que bééer devant la révélation : sous ses yeux pourtant fermés, une surface laiteuse et tendue ondulait telle une méduse, scindée en son exact mitan par une ligne qu’aucun pointeur à infrarouge n’aurait osé tracer, un orbe accueillant qui présentait même par endroits d’infimes imperfections, dont il lui sembla illusoire mais tentant de vouloir toucher le grain, aussi risqué fût l’éventuel contact, puisque passible d’une peine de travail vertigineuse.

Mais la faiblesse aidant, il laissa repousser au bout de ses avant-bras les deux mains dont la société n’avait que faire, puis la bouche qu’à la jonction de ses joues avait remplacé depuis longtemps une fente perméable aux puces, et, approchant la grille vibratile qui n’avait jamais mérité le nom de visage, il laissa les rares sucs dont la drogue d’Etat gratifiait encore ses muqueuses imbiber la précieuse slot et, doigt après doigt, s’aventura plus avant dans le dernier cercle de cette, oui, perdition.

Quand les applaudissements explosèrent, il sut qu’une fois n’est pas coutume il avait gagné. Seulement, pour la première fois, le gain brûlait comme un feu est un feu est un feu.

(Texte paru dans Inculte, n°19)

jeudi 14 octobre 2010

Soft City, le film (re: Villemolle 81, ze mouvi)


Villemolle 81 est le DVD que tu peux acheter si tu veux. C'est un documentaire qui donne froid dans le dos de celui qui le regarde en face, réalisé par l'énigmagmatique Vincent Paronnaud, reportage hallucinématique sur un village du Tarn comme on les aime sous la menace, une enquête objective et lunaire, tournée sans concession avec une compétente caméra et un preneur de sons et d'initiatives.
Au départ, il s'agissait simplement de couvrir un événement culturel de haute volée, "La Battaille [sick] de Villemolle", occasion pour les Villemollois de chanter leur passé troublionesque et possiblement historique. Les ans, les us, les coutumes, les distractions, la punchitude citoyenne, la police municipale (style "j'ai deux grands bœufs dans mon étable"), et surtout la figure charismatique du maire (Franck Ballon, hybride de James et de Bond), nous sont donc dévoilés avec une pudeur qui rappelle les grandes heures de la charcuterie française. Il y a aussi l'idiot du village, victime d'une expérience scientifique menée par l'Armée française qu'il faudra tôt ou tard inculper de négligence ou de malice. Cette frêle mais tenace population a à (hi-hi) cœur de relancer le tourisme, et s'y emploie avec ce brouet de naïveté et de naïveté qui est l'apanage des naïfs (et des niais, too).
On retiendra surtout la figure éminemment touchante de la secrétaire du Maire, Crystel, modèle de dévouement et de dents de lapin. Il y aussi cet agriculteur amateur de clavier électrique, qui a su trouver l'amour sexué par l'Internet, et dont l'épouse, arrachée à l'Est de l'Europe, justifie à elle seule toutes les exactions des Huns. Qualifié par la fiche promo de "subtil mélange entre Rohmer et Romero", Villemolle 81 est tout cela et bien plus encore. Tour à tout enquête sociologique affinée comme un cantal oublié sur un radiateur, critique acerbe d'un clochemerlisme inné mais narrable, tentative d'essai d'amorce d'une dénonciation de la malfaisance bon-enfant des sectes (les Zoltariens sont filmés sans filtre ni concessions), églogue ruralo-pastorale à haute teneur poétique, froide plongée dans les abysses de la campagne, le film, parfois peut-être un peu trop goresque, lève un pan, non, deux, lève donc un pan-pan sur la part maudite de l'homo villemollus. Rien ne nous est épargné, dans la grande tradition du crédit agricole.
La satire est sèche, mais le regard frisé. On pleure, on rit, on va chercher des chips dans la cuisine, on se mouche, et l'on a envie, pour la première fois, d'être aux côtés de ceux qui peinent et souffrent, non pas tant pour la secourir que pour recueillir les vestiges tarnesques de sa déréliction, s'emporta-t-il, en proie à une crise de botulisme. Mais le film n'en reste pas au stade primaire de l'enquête des origines, il bascule très vite – enfin, pas si vite que ça… – dans l'horreur et aussi, avouons-le, l'épouvante. En effet, suite à l'atterrissage d'un objet puant non identifié dont la forme informe évoque une cervelle présidentielle, la malédiction et la gangrène morale s'abattent sur nos vils— pardon: sur nos villageois, et voilà qu'une vague de zombisme s'empare des corps, entraînant dans sa chute horizontale un tsunami de cannibalisme. N'écoutant que son courage, la caméra, plus vertovienne que jamais, continue de tourner, dans un style blèro-ouitchien assez pimpant. Séquence émotion, quand l'ancien magicien aux jambes sciées par des psychotiques (on vous expliquera…) retrouve l'usage de la claudication avec une agrafeuse mécanique (on n'en dira pas plus, ni mieux).
Parfois insoutenables, les images font mouche, que dis-je, sont mouches, bourdonnantes et zélées, planant au-dessus de nos consciences aguerries par l'hydromel local, une boisson revigorante qui porte le coquet surnom de "sang-ria". Bref, 80 minutes de cinéma-vérité mâtinée de télé-réalité, assaisonné d'une lichée de vidéo-authenticité. Un film à regarder en famille, devant une calzone froide, les pieds sur la table et les mains où bon vous semble. Attention: il y a un warning important. Certaines scènes peuvent heurter de plein fouet la sensibilité des aficionados des hamsters, lesquels entrent pour cent pour cent dans la composition de la saucisse locale. Mais bon, ces petites bêtes l'ont bien cherché. Le film est en HD (honte directe), en dolby SR (sans retour), il est réalisé par Winschluss (qui s'appelle dans la vie vraie Vincent Paronnaud et qui est fou), et écrit par Winschluss (qui s'appelle dans la vie vraie Vincent Paronnaud et qui est fou) et Frédéric Felder (qui doit être aussi pas mal barré). Les acteurs, tous merveilleux et, espère-t-on, payés à proportion, sont dans l'ordre analphabétique: Frédéric Felder, Blutch, Frédéric Lathérade, Frédérique Arnoux, Hélène Larouye, etc. C'est une production Les Requins Marteaux, le FIBD (!) d'Angoulême, Kidam, Ferraille. Il y a des effets spéciaux spécialement défectueux, l'hémoglobine coule à feu et à sang, le rire jaillit des boîtes crâniennes, l'émotion est un rendez-vous qui sent la blind-date, c'est beau, c'est humain, c'est en DVD et c'est une bonne raison de ne plus désespérer la France et son terrible terroir. Seul bémol: l'absence de sous-titres pour bipolaires.
Ah, j'oubliais, la devise de la ville molle: "Villemolle, j'en suis folle!" (On vous aura prévenus, c'est pas faute de le dire.)

mardi 12 octobre 2010

Bille en tête: Cent seize Chinois et quelques


Cent seize Chinois et quelques, le premier roman de Thomas Heams-Ogus, commence, littéralement, par une entrée en matière : l’entrée de la matière, même, sous la forme d’une bille conditionnelle, déposée par l’imagination sur le socle d’une montagne située au cœur de l’Italie. La bille est de plomb, elle est noire mais avide de lumière et voici que soudain, sous l’effet d’une violence qui est à la fois un souffle et un déséquilibre, elle quitte son assise pour suivre une pente naturelle, et tel un œil encore clos entraîne notre regard d’homme sourd aux échos de l’histoire sur une déclivité, qui est vitesse et propulsion, mais aussi direction, tracé, périple, jusqu’en en un point on ne peut plus précis de l’histoire et de la géographie, au croisement oublié du 16 mai 1942 et du village d’Isola del San Sasso, dans les Abruzzes, en Italie.

Etrange commencement, en écriture autant qu’en matière, et qui a le double mérite, l’humilité jumelle, de nous prévenir : ici les choses vont se dire, d’elles-mêmes, dans la simplicité du milieu, du centre, nous y sommes déjà, voyez comme le temps du conditionnel est à la fois suave et cruel, roulement et pénétration, alors qu’importe la petite sphère de métal, sinon que son mouvement était une promesse plus qu’une menace.

Le fascisme aime les camps comme la peur les recoins. Et la bureaucratie est le mécanisme insidieusement articulé qui permet la création de ces poches où reléguer tous les indésirables : prisonniers politiques, Juifs, Tsiganes, etc. Quelle main armée d’une plume jugea bon un jour de rassembler la petite centaine de Chinois éparpillée dans la botte mussolinienne ? On ne sait. La même, sans doute, qui se crispe dans l’air ou devient poing quand elle se sent mordue par des fantômes que lui désignent un chef.

Thomas Heams-Ogus recrée l’espace et le temps dans lesquels évoluèrent, pendant quelques années, cent seize Chinois et quelques, parqués dans un sanctuaire entre 1941 et 1944. Que raconter, quand l’histoire écrite a presque tout effacé, quand les témoignages, rares ou épars, ne peuvent plus former trame. Le temps. Ses plis. L’impossible conjuration des heures, des minutes:

« On pourrait entasser ces événements par feuillets et produire un confortable petit carnet rempli d’anecdotes. On pourrait raconter cela jusque dans sa monotonie. Mais une journée de Chinois interné à Isola se dérobait au récit. »

Pour réanimer l’intime étincelle de vies en allées, l’auteur procède donc autrement que par dévidement anecdotique ou prolifération digressive. Usant de l’anaphore comme d’un ressort métronomique venant marquer un tempo plus sourd, plus secret, et du temps de l’imparfait comme d’un eau profonde dans laquelle, parfois, plonger le bâton alors tordu du passé simple, Heams-Ogus met au point non pas une rhétorique, mais une poétique. Quand il imagine la chute d’un Chinois épuisé qu’une Italienne vient secourir, ce n’est pas pour changer cette scène à la fois minérale et brûlante en boîte à soupirs, il ne cherche pas en extraire la vaine essence narrative ou romantique – non, plutôt pour dessiner l’arborescence de toute rencontre, tenter de saisir la stupeur niée qui jaillit du heurt de deux étrangetés. Se passe alors quelque chose d’essentiel, que seule l’écriture parvient à dire, à la lisière du poétique et du philosophique, en marge de toute exploitation romanesque :

« Se fit alors le choc de deux regards. Leurs deux visages furent soudain incroyablement proches. Les yeux de l’homme à terre, erratiques, parcourent la courbure de ses joues, la pulpe de ses lèvres, l’ombre de ses cheveux, ses cernes, ses rides naissantes, les veinules rougies dans ses yeux. Elle en fit autant. Ils se confièrent la responsabilité de leurs visages, et leur choix de ne pas s’éviter, d’accepter cet instant désarmé. »

« Ils se confièrent la responsabilité de leurs visages » : en huit mots, mille choses sont ainsi dites. Dès lors, l’écriture n’a de cesse de traquer l’échange, entre les êtres, mais aussi entre l’être et son environnement, elle interroge la matière, la poussière, le poids du soleil, l’aiguisé des ombres, le bruissement de l’ennui, l’irruption d’une note. Deux fois isolés, les Chinois d’Isola, reclus dans leur langue impénétrable, cantonnés dans les pierres d’une autre foi, deviennent, non plus ce virus que tente de circonscrire afin de mieux l’éradiquer le fascisme, mais une ligne de fuite par laquelle chacun, de l’Italien des Abruzzes au lecteur d’aujourd’hui, peut rejoindre ce plus petit dénominateur commun de l’humanité qu’est l’idée, fragile mais tenace, de survie.

Ces Chinois, qu’on «[n’]imaginait capables de rien sinon d’attendre », en viennent à réinventer le temps, le mouvement. Une intensité surgit en tout et partout, dans le vert de l’herbe, la toile du vêtement, la chaleur du dos exposé, les coups donnés par le vent, la pulpe des doigts. Par la marche, l’un s’extraie du nombre, redevient, vibre :

« Lui qui n’était jusque-là qu’un parmi, se découvrait ici et maintenant lui, se reléguant, se tenant à distance, sans colère mais sans faiblesse, de cette entité indéfinie qu’étaient les cent seize Chinois et quelques. Il était un, il était l’homme qui marchait sur ce plateau, soleil toujours dans le dos mais qui ne le réchauffait plus, ses sens renaissaient come les phénix des livres, chacun partait dans une direction, se projetait hors de lui pour y revenir, en ayant parlé au plateau, et chargé de lui. »

Ainsi, grâce à une physique des mouvements, et à une chimie des affects, l’auteur rend corps et voix, même au centre du silence, à cette tribu interlope dont personne ne sait que faire, pris entre « l’absurdité de leur assignation » et une « absurdité plus grand encore, celle de leur péril ». Déplaçant les repères du remarquable, Thomas Heames-Ogus, en jouant avec le temps faussement diffus du politique et le temps étrangement concret de l’infra-épique, donne à voir l’émergence d’un geste qu’au final il faut bien qualifier de révolte. Révolte dans la patience, la résistance, puis dans le retour « à l’abrasion du monde ». Se réinventer, enfin, par la fuite.

Histoire floue d’un presque ghetto, cartographie sensible d’exilés d’eux-mêmes, Cent seize Chinois et quelques, en 125 pages et trois actes, affirme discrètement combien la formation d’une poétique peut être l’une des plus justes conditions d’un récit de l’oublié. De ce livre, on pourrait dire ce que l’auteur dit de cette bille inaugurale, dire qu’il vient « effleurer une tentative de monde, et sa furie contenue », et qu’autour de lui « le flou de sa vitesse [laisse] place à un univers de précisions ».

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Thomas Heams-Ogus, Cent seize Chinois et quelques, Editions du Seuil, coll. Fiction & Cie, 15€

mardi 5 octobre 2010

Baum, Blairet & The Big Bang

LE JEUDI 7 OCTOBRE À 19H30

La librairie du MK2 Quai de Loire et les éditions Actes Sud vous invitent à une rencontre-lecture avec Claro à l’occasion de la parution de son dernier roman CosmoZ.

Avec la participation du comédien Bruno Blairet pour les lectures.

La rencontre sera suivie de la projection à 21h du Magicien d’Oz de Victor Fleming.
(Billets en vente avant la séance)

Librairie du MK2 Quai de Loire
11 quai de Loire
75019 Paris



Bruno Blairet entre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique en 1996, après 3 ans passés au Cours Florent, en en sort en 2000.

Comédien
2008 Le suicidé de Nicolaï Erdman, m.e.s Volodia Serre
2007 L'Orestie d'Eschyle, m.e.s. David Géry
2007 La Thébaïde ou les frères ennemis de Jean Racine, m.e.s. Sandrine Lanno
2006-2007 Elle de Jean Genet, m.e.s. Olivier Balazuc et Damien Bigourdan
2006 Atteintes à sa vie de Martin Crimp, m.e.s. Joël Jouanneau
Poèmes d’exils de Reza Baraheni, m.e.s. Bruno Blairet
2005 Meurtre de Hanokh Levin, m.e.s. Clément Poirée
Sniper de Pavel Hak, m.e.s. Renaud Cojo
2004 Avant/Après de Roland Schimmelpfennig, m.e.s. Michèle Foucher
Ivanov de Tchekhov, m.e.s. Alain Françon
Qeskes 1, 2 et 3 de Reza Baraheni, m.e.s. Thierry Bédard
2002 La Marche de l’architecte de Daniel Keene, m.e.s. Renaud Cojo
1997 Nous, les héros de Jean-Luc Lagarce, m.e.s. Olivier Py
Et aussi :
Le Roi Lear de Shakespeare, m.e.s. Philippe Adrien
Le Pays lointain / traversée, d'après Jean-Luc Lagarce, m.e.s. Joël Jouanneau
Souterrains de Emmanuel Darley, m.e.s. Delphine Lamand

Par ailleurs, il enregistre des pièces radiophoniques, dirigées par Jacques Tarroni, Blandine Masson, Alain Françon, Sandrine Lanno et Jean Couturier.

Metteur en scène
Au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris :
1997 L'Enfant criminel de Jean Genet, co-mise en scène avec Mélanie Menu
L'Échange de Paul Claudel
Théâtres d'Olivier Py
Chimères de Didier-Georges Gabily
La Semaine feinte d'Olivier Coyette

Au Théâtre Ouvert en 2002 :
Des plâtres qu’on essuie d’Olivier Coyette
L’Évanouie d’Olivier Coyette

Il est cofondateur de la compagnie Poète furieux avec Olivier Coyette et Damien Bigourdan. Il a également joué au cinéma dans le film Un cœur simple (2008, réalisation Marion Laine)