jeudi 17 septembre 2009

Super les héros, noir le siècle



Les éditions de l'Atalante ont entrepris dès la rentrée la publication de l'inquiétante Brigade chimérique, œuvre en six volumes signée Fabrice Colin, Serge Lehman pour le texte & l'histoire, Gess pour les images et la conception graphique, et Céline Bessonneau pour les couleurs.
Le duo Colin-Lehman, c'est Docteur Nitro et Mister Glycérine. Du coup, l'imaginaire se prend des baffes orchestrées par l'Histoire, et les rêves de puissance sont forcément plongés dans l'acide du doute. Ici, il est question de super-héros, d'obédience européenne, mais qui ne sont ni spider- ni super- ni bat-, non des héros ancrés dans l'imagnaire français, allemand, italien, etc. Car une question brûle les lèvres des rêveurs de monde: que foutaient nos french heroes à l'heure où la peste brune étendait son rêche velours sur les populations européennes? D'où l'idée de les faire intervenir, eux qui n'ont guère eu de successeurs dans la littérature fantastique d'après-guerre.
On trouvera donc le Docteur Mabuse, le richissime Gog (merci Papini), Léo Saint-Clair dit le Nyctalope (emprunté pour l'occasion à l'oublié Jean de La Hire), Andrew Gibberne (décalqué des délires wellsien cum Accélérateur), mais aussi le cafardeux Grégoire Samsa, le glaiseux Golem et quelques autres (Cagliostro, qui meurt et ressucite sans complexe). On voit passer également quelques figures du surréalisme, Breton, des exclus, Nous Autres (des toubibs graves: l'insulaire Moreau, Lerne – ah, enfin quelqu'un pour se rappeler l'existence du pas facile Docteur Lerne, ça fait plaisir! – et le boulgakovien Persikov), et pour le même tarif, allez, on ajoute La Phalange, un officier espagnol boosté au gaz militaire qui n'a pas beaucoup d'estime pour le Partisan, héros sans pouvoirs, ça arrive
La reconstitution du Paris de l'époque n'a rien à envie aux fresques d'un Tardi, loin de là; l'esthétique, marvelesque à souhait, le découpage (staccato) et le cadrage (toujours inventif, souvent décalé), les couleurs (un code rigoureux alterne camouflage, carmin noirci, ocre, noir abyme…), le texte (irrévérencieux) servent une intrigue volontairement méandreuse, pénombreuse, menaçante. Il est aussi pas mal question de radium dans cette rocambolie, par l'entremise de Marie Curie herself et de sa fille, d'où la lugubre luminescence qui nappe les planches.

A signaler également de Fabrice Colin: la réédition en poche de son épatant Syndrome Godzilla (J'ai LU) et le tome 1 des Vampires de Londres (Gallimard Junior), en attendant son déjà mythique Big Fan aux éditions Inculte/coll. Afterpop, où l'on apprendra tout sur les liens entre le groupe Radiohead et l'apocalypse.

1 commentaire:

  1. A signaler également que le tome II de La brigade chimérique, initialement prévu pour le 21 septembre, est d'ores et déjà disponible.
    A ne pas rater !

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