samedi 12 janvier 2008

Thomas Pynchon: L'homme qui s'effaça rapidement



Il y a, bien sûr, un mystère Pynchon. Quasiment aucune photo, aucun entretien, pas la moindre apparition publique. Bref, le lot des trois quarts de l’humanité. Le quotidien d’une vie que le talent transforme, par sa seule magie, en destin plus qu’underground. Qu’a-t-il donc cherché à effacer, celui qui, en sept livres (mais un seul aurait suffi), s’est imposé comme l’écrivain américain le plus fabuleux depuis Melville ? Un visage ? Un regard ? La promesse redoutée d’un vieillissement ? Ou, plus simplement, la crispation en une identité dépourvue de fondements, et dont l’écriture cherche avant tout à se débarrasser ? La disparition du corps de l’auteur est un pied-de-nez à notre époque avide de photogénies, elle semble donner raison à cette mort de l’auteur qu’annonça le philosophe Michel Foucault et qui scandalisa les tenants de la pensée lagardo-michardesque.
Pynchon n’a pas fui le succès, que lui apporta très tôt la parution de V. Il a fui le sournois petit agent du F.B.I. qui piaille au fond de chacun d’entre nous. « Fichez-moi la paix, ne me fichez pas » : ce pourrait être sa devise. Quand vous irez à New York, que ce soit dans la rue, sur un banc de Central Park, ou bien accoudé au comptoir d’un bar appelé à disparaître, dites-vous : Il est peut-être là. En train de lire le journal ou d’observer un écureuil. D’écrire. L’omniprésence possible comme verso, et gage, de l’absolue invisibilité ?
Il était une fois un écrivain qui trouva suffisamment de lumière dans l’ombre pour s’installer dans le plus pur des contre-jour.
(Texte paru dans le supplément "Points" de Télérama, sept 2007)

1 commentaire:

  1. MOBY DUKE

    Le corps de l'auteur n'est jamais apparu, sa disparition dès lors n'est qu'une hallucination parmi d'autres, une fragrance de souvenir qui flâne le long des rues d'une bande dessinée archaïque. Le cinémascope stroboscopise les divisions cathédrales de la comptabilité des humeurs maritimes et jamais personne ne trouve le cadavre des littérateurs ailleurs que sur la corolle perpendiculaire de l'étang pourpre d'où s'élèvent les saveurs de la fragmentation de possibles. Le plus pur des contre-jour n'est encore qu'un fragment d'obsidienne imaginaire, né de l'hypothèse de deux jours et d'une nuit, figures de style ou de rhétorique pour amateurs de dialectiques d'évanescence, cabochon d'un flacon de parfum sans flacon ni parfum, élucubrations pour amateurs de déambulatoires oxygénés. La paronomase originelle le sait bien, qui utilise toutes les ficelles de sa pantomine langoureuse pour enluminer des masures galactiques grâce au talent des langages de l'abscons, les philosophes peuvent toujours se brosser, aucun risque qu'ils ne découvrent autre chose que des pellicules insipides destinées à l'alimentation mécanique de leurs huiles de synthèse. Si les auteurs savaient lire le journal, auraient-ils besoin d'inventer des écureuils transylvaniques pour écrire leurs mémoires?

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